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Infrabasses 2021-10-14
Fictions
Texte à dessiner sur le thème « piano somptueux ». Le CID (Cercle des Ingénieurs Disparus) est une asso d'écriture plein de gens chouettes que j'ai rejointe ce semestre. Chaque semaine, on écrit des trucs ensemble. Je commence tout juste. J'adore lire ce qu'écrivent mes ami·es du CID, et j'aime l'idée d'avoir ce petit bout du web pour jeter des textes à la mer, alors j'ai décidé de les poster ici. Cette semaine, on devait écrire un texte qui servira de support pour l'asso de dessin, assez descriptif donc ! On a chacun choisi un mot et un adjectif puis créé des combinaisons, et réparti au choix ou au hasard. J'ai hérité de « piano somptueux ». just.Luc - CC BY-NC-SA 2.0 true

Tout est calme. Le calme, cest bien lunique artefact quil semble rester de ce paysage. Ce qui autrefois auraient bien pu être des chênes ou des châtaigniers centenaires peinent à se faire une place dans le brasier.

Les troncs sont restés là, comme sils sétaient préparés trop longtemps au charnier.

Le ciel est rouge, rouge, toujours de ce même rouge qui vire au pourpre sans quon ait jamais compris pourquoi. A-t-on seulement besoin de comprendre ?

Si on pouvait compter les secondes, à chaque seconde, il ne se passerait rien. Mais le temps est si vieux quil égrène péniblement les années.

Les yeux du monde, quant à eux, sont restés. Leur cataracte balafrée se balade sans but. La vie les a quitté depuis maintenant si longtemps quils ne sétonnent plus de rien.

Pourtant, il faudra bien quils susent, encore et encore. Jusquà sarrêter sur un détail. Une petite aspérité dans la poussière qui na même plus la force de virevolter.

Au milieu des branches rigides à crever, une masse noir ébène parsemée de blanc amandier. Le piano qui se dresse semble avoir oublié de consulter le destin. On peine à le reconnaître. Sa carcasse est faite dun bois dont on se demande sil a jamais séché. Elle gondole, couvercle de nœuds, lit de tourbe et touches de bourgeons. La résine suinte des marteaux trop mous pour avoir jamais blessé personne.

Le monde hausse un sourcil. Puis fronce les yeux. Les cordes de cuivre et dacier sont des lianes entrelacées qui se moquent de la justesse et qui plongent dans les profondeurs de la terre. Petits ruisseaux dans le vaste océan de cendres amoncelées qui un jour ressemblèrent à des hommes.

Elles se jettent dans le cœur des saules. Ils ne pleurent plus, mais elles les enlacent, fort. Elles tournent et tournent et sarticulent en tendons qui fait sursauter le bois mort. Ligneuses de la main.

Avec tout létonnement dont il est capable, le monde regarde une seconde passer. Puis une autre.

Lair vicié se contracte et se dilate en notes graves. Sourdes, régulières, profondes, une évidence, un écho des premiers instants, un cœur qui émerge dun long sommeil. Infrabasses de vie.

Le temps se compacte, puis la terre remue les racines pulsent la sève palpite et monte dans ces corps décharnés qui nattendaient plus rien des aubes les battements lourds se font mille les lianes résonnent lécorce éclate et la moelle hurle à qui veut lentendre.

les dormeurs se réveillent dans le miel farandole de soleils lassitude et silence sendorment sur un bel accord majeur