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Raw Blame History

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Problème d'émotion 2021-10-22
Fiction
Micro-nouvelle sur le thème « porte ouverte sur ses rêves ». ƒr㋡ηk vᗩη Doηgeη - CC PDM 1.0 Cette semaine, on devait écrire avec en se concentrant sur les émotions et les réflexions du narrateur, avec une contrainte de thème. true

Il caille. Cest dingue davoir aussi froid avec léquivalent dune friperie sur les épaules. Je peste intérieurement en louvoyant sur le boulevard plein à craquer. Plus que quelques centaines de mètres à avaler.

Prochaine à gauche. Je frôle un jogger matinal, tête vissée sur son écran de métriques. Les trottinettes et leur voie prioritaire me narguent trop chères. Au moins, jai pas lair davoir un balai dans le cul.

Rue des Trois Moulins je la connais par cœur. Éviter les vendeurs de clopes trop insistants, saluer le vieux Farid, traverser après la libraire, passer sous les graphitis, couper par le porche et débouler sur la place du Change. Les baies vitrées du centre culturel me renvoient des bribes de soleil. Je me sens rempli de détermination. Jenjambe les derniers mètres qui me séparent des portes battantes.

Que des escalators pour aller à létage. Sérieusement ?

« Bonjour, merci, bonne visite, bonne journée ! » Côté conversation creuse, tu fais pas mieux. En même temps, à force de répéter la même chose, tu sais même plus ce que tu racontes. Cest comme répéter le même mot : pruneau, pruneau, pruneau, pruneau, pruneau… Il finit par sonner étrange, vidé de sa substance.

Le haut des marches me tire de ma rêverie. À lintérieur, cest lorgie, et il est à peine 10 heures. Les visiteurs se ruent sur les stands comme des charognards. On se croirait dans un concours de couleurs criardes. Je pourrais dégueuler sur les décors psychédélique que personne sen rendrait compte.

Microsoft a mis le paquet cette année. Immersion dans un dôme géodésique, son spatialisé par influx nerveux, EEG haute résolution et retour haptique ultra haute fidélité. Mis à part les logos et la taille, les stands se ressemblent tous. Pas besoin dêtre très original, les gens viennent pas pour voir un vernissage.

Je joue des coudes pour me frayer un chemin. Jen profite pour mater les exposants toujours la même gueule, à croire quon les a cloné. Détendus, affables, chemise déboutonnée aux deux tiers, toujours le bon mot, « je suis sincèrement heureux davoir pu vous être utile », avec leur caricature de bienveillance… On pourrait leur masser la nuque avec des clous quils garderaient leur tête de smiley.

La première fois que je suis venu, jétais même pas énervé. Juste fatigué devant lévidence. Cétait prévisible, ce genre de truc le marché se nourrit des peurs. Tu te lèves, tu produis sans comprendre, tu palpes et tu dépenses tout pourvu que tu détournes le regard. Encore mieux que le metaverse ringard de Zuckerberg, le fleuron de légocentrisme, la porte de lintime : les rêves.

Les bribes de conversation se ressemblent toutes. À chaque replay, les experts en sémiologie du rêve ou réveilleurs sempressent de vomir leurs interprétations. Ils ont beau avoir bac+8, on dirait des diseurs de bonne aventure.

« ...dans une certaine mesure, tomber dans les escaliers est signe dune culpabilité enfouie… » « ...le mage que vous incarnez est un archétype classique, signe quune transition… » « ...le héros contre le dragon, une lutte intestine pour la transcendance… » « ...souhaitez-vous que je vous programme un univers de notre catalogue ? »

Je bloque. Ils savent programmer les rêves, maintenant ? Cétait pas assez de pouvoir les revivre en boucle, maintenant tas le choix, façon Netflix ? Bande de cons.

Allez, calme toi, ça te regarde pas tout ça. Rappelle toi pourquoi tes venu. Focus. Œillères activées. Je me fonds dans la masse de corps en quête de sens et jarpente les allées. Je sais quau bout de la verte, tu es là.


Je te trouve comme lœil du cyclone. Mains jointes, sourire flottant, le regard paisible de ceux qui ne se pressent plus. Je timagine statue de cire éternelle, de ces statues quon ne regarde plus mais qui traversent les époques sans les juger. Le caisson trône derrière toi mais ne semble intéresser personne. Tu es presque anonyme comment espérer attirer lattention morcelée de tous ces yeux en manque de feux dartifices ? Mais tu nespères pas. Tu nas rien à vendre. Tu es là, cest tout, et tu sais que le vent amènera ceux qui te cherchent.

« Bonjour, Simon. »

Ta voix me traverse et fait retomber dun coup la frénésie démente des gestes et des rires trop exagérés. Je me sens ancré. Tu te lèves minutieusement et tu maccompagnes jusquau caisson de privation sensorielle.

Rideau.

Mes pupilles souvrent façon trou noir, mais aucune lumière ne filtre. Je sens à peine leau salée qui lèche ma peau. Les battements de mon cœur sont des basses de 3 heures du mat. Le sang pulse dans mes tempes, se fait cascade et remplit le silence. Je suis chaque fois étonné de me faire concerto. Je peux entendre distinctement pousser les racines de ma solitude. Jégrène les minutes…

Putain, jy arrive pas.

je résiste au tumulte qui me prend et me dit que leau est trop poisseuse et que lair est vicié le silence trop bruyant qui me dit de crier que les croûtes de mes poings peuvent attendre et cogner le couvercle visqueux et faire couler le sang seule couleur vive digne dhabiller les décombres où flotteront leurs cendres

Respire. Souffle. Je sais que ça sert à rien. Évidemment que jai déjà essayé. Il ny a quune seule liberté ici : attendre les endorphines et lâcher prise. La montée est toujours ardue. Alors je desserre les dents et me cale sur mon souffle. Les minutes se font secondes à mesure que mon corps se détend. Le fil de mes pensées se coupe et se noue pour finir par ne plus ressembler quà des étoiles filantes. Cest bon de flotter… Tellement bon de donner du repos à mes muscles arqués et mes synapses à bout de souffle. Ça vaut tous les câlins du monde. Je suis en sécurité ici, alors je laisse le plaisir sinfiltrer dans les moindres recoins de mes nerfs. Je me laisse sombrer.


Lumière.

Mes paupières sont désespérément closes et pourtant les couleurs inondent mon champ de vision. Il est plus large que dhabitude. Groseilles et prunelles à 180 degrés. La scène oscille davant en arrière et jai la gerbe. On dirait que je suis assis sur un pendule géant. Une maison se profile derrière lallée de buis le genre de maison que dessinerait un gosse. Des silhouettes floues en robes de flanelle échangent des rires. Les arbres fruitiers ont colonisé la maigre tranchée entre le muret de briques et la haie ; des mésanges sépoumonent sur le vieux cerisier en fleurs.

Le temps de reprendre mes esprit et je réalise que cest moi qui oscille. Je baisse la tête et découvre deux pieds en sandales qui ballottent. Autour de moi, un grand portique vert.

Et soudain du tréfonds de mes tripes jaillit lévidence. Jai vécu ici. Cest mon jardin denfance, et cest moi sur la balançoire, avec mes pieds sales et mes mains virevoltantes. Un petit bout de moi. Comment jai pu oublier ?

Cest comme redécouvrir les papillons dans le ventre en soulevant le tapis. Je crois que je vais mécrouler de bonheur. Mes parents me font des grands signes au loin. Alors

je pleure et je pleure et le ciel scintillant se mue en acrylique dégouline et cavale sur la petite cabane à outils de maman les lilas ont des ailes les pensées sont bleu roi ton sourire à pleines dents a le goût de framboise et lodeur des violettes puis le soleil salue les couleurs se mélangent jusquà ne plus former quun magma débordant damour brut et de vie concentré dans un point un tout petit point qui séloigne et se fond dans le noir abyssal de mes yeux grands ouverts


Un sourire colle à mes lèvres. Jaimerais que cet instant dure toujours.