Should be good for first publication

master
Quentin Duchemin 2021-05-27 02:48:15 +02:00
parent 62c7ec7511
commit 52a09513bb
4 changed files with 15 additions and 11 deletions

View File

@ -6,6 +6,7 @@ categories:
- Réflexion
summary: « Se perdre sur Internet », voilà une activité contemporaine qui partage le haut du classement avec la destruction méthodique des écosystèmes et des acquis sociaux. Mais pourquoi se perd-on sur le web ?
imgLicence: CC BY 2.0 - Moyan Bren
imgExplanation: En image d'illustration, une photo de chat parmi les dizaines de milliers contemplées à cette même seconde par nos contemporains.
---
## La curiosité est un joli défaut

View File

@ -9,7 +9,7 @@ imgLicence: CC BY-SA 4.0 - Quentin Duchemin
imgExplanation: En image d'illustration, un escalier en haut du Puy de Sancy, pendant une jolie semaine loin de tout.
---
## Pourquoi ?
## Un réflexe pénible
Octobre 2020, dans un monde entre deux confinements, dans une folie constante où rien n'est sûr, j'ai le luxe de partir en vacances, loin du vacarme. 10 jours en Auvergne pour parcourir la chaîne des Puy, bouquiner, faire des feux, se marrer, se retrouver un peu. En cette période de matraquage informationnel autour du COVID, et alors que j'entretiens une relation ambiguë avec les outils numériques, je décide de laisser mon smartphone chez moi, convaincu que j'aurais bien assez pour m'occuper, et curieux de voir les effets que cet absence inédite produiraient sur moi.
@ -24,15 +24,15 @@ Comment en suis-je arrivé là ? Pourquoi est-ce-qu'une grande partie de mon ent
Ce sont ces questions complexes qui m'ont motivées à écrire ce billet. J'essaye, autant que possible, de séparer ce qui relève de mon opinion et de mon expérience personnelle et ce qui relève de la connaissance scientifique[^cite].
[^cite]:Bien sûr, citer un article scientifique n'est pas suffisant, sinon ce serait un simple argument d'autorité. Tous les articles cités ici n'ont pas le même *niveau de preuve*, n'ont pas tous été reproduits, ont parfois des échantillons faibles. Je ne suis pas non plus outillé pour juger de la qualité de l'analyse statistique des résultats des expériences. Il faut donc rester prudent sur la plupart des affirmations.
Ce billet est séparé en quatre parties, relativement indépendantes, pour alléger la lecture :
Ce billet est séparé en plusieurs parties relativement indépendantes pour alléger la lecture. On peut retrouver les parties [ici](..).
Dernière précaution : bien que le sujet principal de ce billet soit l'addiction au smartphone, je traiterai aussi du web en général, des réseaux sociaux, de l'économie de l'attention et du capitalisme du surveillance. Ces sujets ne concernent pas proprement le smartphone, mais participent tous de son usage démesuré ; il est donc indispensable d'avoir cette analyse pour rendre visible toutes les coutures de cette affaire.
Dernière précaution : bien que le sujet principal de ce billet soit l'addiction au smartphone, je traiterai aussi du web en général, des réseaux sociaux, de l'économie de l'attention et du capitalisme du surveillance. Ces sujets ne concernent pas proprement le smartphone, mais participent tous de son usage démesuré ; il est donc indispensable d'avoir cette analyse pour rendre visibles toutes les coutures de cette affaire.
## T'es qui ? Tu parles d'où ?
Quelques données sur moi permettront de mieux expliquer les zones d'ombres de mon analyse. On parle toujours de manière située, même à coup d'études scientifiques et de bonne foi, et il est très vraisemblable que ce que j'avance ne parle pas du tout à certaines personnes.
Il y a déjà une page [a propos](https://blog.chosto.me/%C3%A0-propos/), mais voici quelques éléments plus à propos.
Il y a déjà une page [à propos](https://blog.chosto.me/%C3%A0-propos/), mais voici quelques éléments plus à propos.
Je m'appelle Quentin, j'ai 24 ans, j'ai une formation d'ingénieur en informatique et je n'ai pas d'activité professionnelle au moment où j'écris ce billet. Globalement, je n'ai manqué de rien dans ma vie.
@ -40,18 +40,20 @@ Je me reconnais de moins en moins dans le métier d'ingénieur tel qu'il est con
Jusqu'à mon arrivée en école d'ingénieurs, ma vie sociale s'est essentiellement construite sur le web, d'abord sur des forums, puis sur les réseaux sociaux. J'ai longtemps préféré les ordinateurs aux gens et aux activités à l'extérieur. J'ai toujours ressenti une anxiété sociale et un besoin de contrôle, rendant l'informatique -- sa prédictibilité -- attrayante.
Pendant très longtemps, je ne sortais pas sans mon téléphone, je réagissais immédiatement aux notifications, je le consultais au moindre temps mort, attente ou ennui. Je passais beaucoup de temps à regarder des vidéos de vulgarisation à la chaîne, à défiler mes réseaux sociaux, à me tenir au courant des moindres détails des associations dans lesquels j'étais impliqué, à lire les actualités -- bref, de quoi occuper une journée entière sans jamais manquer de matière.
Pendant très longtemps, je ne sortais pas sans mon téléphone, je réagissais immédiatement aux notifications, je le consultais au moindre temps mort, attente ou ennui. Je passais beaucoup de temps à regarder des vidéos de vulgarisation à la chaîne, à faire défiler mes réseaux sociaux, à me tenir au courant des moindres détails des associations dans lesquelles j'étais impliqué, à lire les actualités -- bref, de quoi occuper une journée entière sans jamais manquer de matière.
Aujourd'hui, je vis en coloc avec des étudiant·e·s de mon ancienne école et je suis incroyablement bien entouré.
J'espère que cet exercice d'auto-description suffira pour nuancer mes réflexions.
## Accéder aux articles cités
## Accéder aux articles cités avec Sci-Hub
Les liens des sources ci-dessous, lorsqu'il s'agit d'articles scientifiques, pointent vers le site de l'éditeur. Dans la plupart des cas, l'article n'est pas disponible en libre accès et l'éditeur demande plusieurs dizaines de dollars pour y accéder. Ce coût est proprement scandaleux, car ces éditeurs privés s'enrichissent sur le dos de recherches financées par de l'argent public, et dont l'essentiel du travail de relecture et d'édition est effectuée bénévolement par des chercheurs (écouter pour plus d'explications l'[émission de Picasoft sur l'Open Science](https://radio.picasoft.net/co/2019-12-20.html)).
Pour accéder à ces articles, on pourra utiliser Sci-Hub ([wikipédia](https://fr.wikipedia.org/wiki/Sci-Hub)), un projet initié par la chercheuse Alexandra Elbakyan et qui ouvre illégalement l'accès à la quasi-totalité des articles scientifiques, en attendant que le droit d'auteur soit profondément modifié pour libérer la circulation des connaissances. À ce jour, on peut y accéder via cette URL : https://sci-hub.se
Pour accéder à ces articles, on pourra utiliser Sci-Hub ([wikipédia](https://fr.wikipedia.org/wiki/Sci-Hub)), un projet initié par la chercheuse Alexandra Elbakyan et qui ouvre illégalement l'accès à la quasi-totalité des articles scientifiques, en attendant que le droit d'auteur soit profondément modifié pour libérer la circulation des connaissances. À la dernière date d'édition de cet article, on peut y accéder via cette URL : https://sci-hub.se
Sci-Hub a été « bloqué » en France en 2019, mais ce blocage est très facilement contournable. Deux options :
* [Changer de serveur DNS](https://www.nardu.in/articles/sci-hub-blocage/).
* [Utiliser DNS over HTTPS](https://www.zdnet.fr/pratique/pratique-comment-activer-dns-over-https-doh-dans-firefox-39887257.htm), par exemple avec le [service de 42L](https://42l.fr/Service-DoH), une association qui propose des services respectueux de la vie privée.
* [Utiliser DNS over HTTPS](https://www.zdnet.fr/pratique/pratique-comment-activer-dns-over-https-doh-dans-firefox-39887257.htm), par exemple avec le [service de 42l](https://42l.fr/Service-DoH), une association qui propose des services respectueux de la vie privée.
Je conseille la deuxième solution : en plus de contourner le blocage, vous limitez les risques de surveillance de la part de votre fournisseur d'accès à internet.

View File

@ -65,7 +65,7 @@ Puisque lorsque je veux me concentrer sur quelque chose, je laisse mon télépho
Et à la place, je prends un moment dans la journée, que j'ai choisi, pour consulter mes mails et tout ce qui aurait eu le loisir de m'envoyer des notifications. Si j'ai envie de les consulter, d'ailleurs, puisque à ce stade, je fais ce que je veux et ça peut même me sortir de la tête. Piège à éviter : la coupure des notifications peut amplifier la peur de manquer quelque chose et de ne pas en être averti. Si pour palier leur manque, je vérifie constamment et dans chaque application si quelque chose est arrivé, alors je suis bien loin d'avoir réglé le problème. Dans ce cas, plutôt que de vérifier frénétiquement mon fil de « réseau social X » ou mes notifications, je vérifie toutes mes applications. Mieux vaut sérieusement envisager de mettre son téléphone un peu de côté ; et je maintiens que bien souvent, c'est la notification qui vient voler notre attention. Sauf vide existentiel à remplir, il y a peu de chance de passer des heures à ouvrir méticuleusement chaque application.
## Refragmenter ses usages : contre la solution unique
## Refragmenter ses usages
Un des points qui me pose le plus de difficultés est la centralisation des usages.
@ -91,7 +91,7 @@ Prendre conscience du vide qui peut se créer en nous -- ou pas -- une fois du t
Et un jour, quand on sera prêt, on le saura et alors les choses changeront de manière plus durable que dans la force. Ces mots énerveront peut-être les attitudes guerrières et combatives, mais c'est très peu pour moi. Chacun son truc.
## Bilan et perspectives : éloge des infrabasses
## Bilan et perspectives
Avec un peu de recul, je réalise que toutes ces mesures synergisent agréablement. Un coût d'accès augmenté neutralise les usages « réflexes ». Ainsi, quand on assume ce coût d'accès, c'est qu'on a un objectif concret en tête. Comme les notifications sont désactivées, on remplit cet objectif sans être dérangé, et on peut passer à la suite. Mais toutes ces astuces ne sont que des pansements sur une réduction plus radicale de nos usages : laisser son smartphone de côté et éteint une bonne partie de la journée, et en dernière instance à le délaisser, à choisir les usages que l'on veut remplacer, et s'y fixer.

View File

@ -6,6 +6,7 @@ categories:
- Réflexion
summary: La curiosité ne suffit pas à expliquer à elle seule les usages déraisonnables de nos smartphones. Pour mieux comprendre, il faut faire un détour par les peurs qui caractérisent notre époque.
imgLicence: CC BY 2.0 - robinsoncaruso
imgExplanation: En image d'illustration, un tag que j'aurais bien aimé voir en vrai.
---
Dans la précédente partie de ce billet, on a vu que la curiosité était un besoin fondamental chez les humains, que la nouveauté en tant que telle était puissamment récompensée par le cerveau et que le web était l'objet idéal pour créer et satisfaire notre curiosité dans une même boucle, encore plus à l'ère du smartphone.
@ -69,7 +70,7 @@ Or, si ce contrôle est rassurant en premier lieu, il rend plus difficile la con
La sensation d'intimité, d'être compris·e et d'être aimé·e pour ce que l'on est semble indispensable au sentiment de sécurité. On peut très difficilement développer ce sentiment en étant dans une maîtrise constante. Je pense que cette incohérence entre le but recherché (sortir de la solitude, ou en termes positifs, créer des relations fécondes et profondes) et le résultat (chacun maîtrise son image et peut cacher ce qu'il ressent) contribue à alimenter le sentiment de solitude qu'on cherchait à résoudre et à augmenter la quantité de relations pour palier leur qualité. Le problème, c'est qu'au même titre qu'un doliprane, l'utilisation de réseaux sociaux peut temporairement atténuer les symptômes de la solitude, avant de les réactiver, poussant à augmenter leur consommation.
### Contempler l'étendue grandissante de son ignorance
### Voir son ignorance grandir
Les réseaux sociaux couplés aux smartphones synergisent très bien pour alimenter l'anxiété de ratage, ou FOMO (*Fear Of Missing Out*),